En matière de baux d’habitations, la loi ALUR a d’abord été vue comme une révolution notamment grâce à la garantie universelle des loyers. Depuis l’abandon de celle-ci, il semble à de nombreux commentateurs que la loi n’a plus une grande importance sur la pratique et ne révolutionnera pas la procédure actuelle.
Il y a néanmoins des petites évolutions en matière de bail qui auront de grandes conséquences.
L’article 15 alinéa 2 de la loi ALUR dispose : « en cas de contestation, le Juge peut, même d’office vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non reconduction du bail n’apparait pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes ».
Comme chacun le sait, les motifs pour donner congé à son locataire ne sont pas infinis. Pour l’essentiel, il existe le congé pour motif légitime et sérieux, le congé pour reprendre le logement pour soi-même ou un membre proche de la famille ou encore le congé pour vendre.
Si depuis de nombreuses années, les Juges contrôlent le congé pour motif légitime et sérieux, il en va différemment pour les congés pour reprise ou les congés pour vendre.
Sur ce dernier, il était assez facile de contourner le dispositif légal. En effet, en matière de congé pour vendre, il faut nécessairement proposer au locataire l’acquisition de l’immeuble en question par priorité. On parle d’un droit de préemption du locataire. Néanmoins, le montant du prix de vente n’est absolument pas encadré ! Il était donc possible de proposer l’acquisition de l’immeuble au locataire pour un prix de 200.000 euros, d’attendre le refus du locataire, et de mettre l’immeuble en vente pour un prix de 150.000 euros.
Entre temps, le locataire est parti, et il lui fallait avoir connaissance d’une part de la manœuvre, démontrer d’autre part la mise en vente à un prix inférieur à la proposition qui lui a été faite, et intenter une action en responsabilité contre le bailleur.
Dans la pratique, rares étaient les locataires mettant en cause la responsabilité du bailleur pour la simple et bonne raison que le locataire avait d’ores et déjà quitté les lieux et qu’il se désintéressait complètement de la situation postérieure.
La loi ALUR est venue révolutionner quelque peu cette possibilité de fraude en permettant au Juge de contrôler à priori la validité du congé.
Dès lors, à l’heure actuelle, si un locataire reçoit un congé pour vendre ou un congé pour reprise, il peut saisir le Tribunal alors qu’il habite encore dans les lieux pour demander au Juge de vérifier la réalité du motif du congé. En conséquence, le Magistrat va avoir une possibilité d’apprécier les motifs qui ont fondé le congé pour vendre ou pour reprise personnelle. Si les motifs sont erronés, si le locataire arrive à démontrer par exemple que le prix de vente est démesuré, le Juge pourra refuser le congé et ordonner la poursuite du bail.
La différence est majeure puisque dans cette hypothèse, le locataire se maintient encore dans les lieux et donc bénéficie d’un moyen de pression important qui sera essentiellement dissuasif.
Dès lors, cette modification qui est d’apparence mineure a en réalité de graves conséquences pour le bailleur puisqu’elle sera particulièrement dissuasive quant aux possibilités de contourner la loi pour mettre un locataire dehors pour des motifs fallacieux.
Il convient donc lorsqu’on est bailleur d’être particulièrement vigilent sur la réalité des motifs qui sont invoqués au soutien du congé. A l’inverse, lorsqu’on est locataire, il convient de se préconstituer un maximum de preuves afin de démontrer que le congé a été délivré sur des motifs fallacieux et le contester en justice avant toute demande d’expulsion.
Maître Julien SABOS se tient à votre disposition pour vous assister dans toute procédure concernant le bail ou les contestations de congé.