Cette année encore et pour la quatrième fois malgré un usage ininterrompu, les avocats au barreau de Dunkerque ne son pas autorisés à prendre la parole à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée.
Cette année, plus que toute autre, il était pourtant indispensable que la voix du justiciable soit entendue et portée à cette audience par son représentant naturel : l’Avocat.
En effet. Madame le Garde des Sceaux a annoncé le 05 octobre 2017 cinq grands chantiers en, vue d’améliorer le « fonctionnement quotidien de la justice et de l’efficacité des peines ».
Au rang de ces cinq grands chantiers figure l’adaptation de l’organisation judiciaire.
Malheureusement, la réalité que cache cette formule ne nous est pas inconnue puisqu’elle est constituée d’un projet depuis longtemps porté par la Chancellerie, de création :
- De Cours d’Appel dont le ressort se confondrait aux grandes régions nouvellement créées.
- D’un Tribunal de Première Instance départemental.
L’application de cette réforme au sens littéral conduirait a la suppression de l’une des deux Cours d’Appel de la Région (sans doute Amiens au profit de Douai) et la suppression des Tribunaux de Grande Instance d’Avesnes-sur-Helpe, Valenciennes, Douai, Cambrai et Dunkerque au profit du Lille qui deviendrait Tribunal de Première Instance Départemental.
Pour jeter la confusion et rendre ce projet acceptable, le programme présidentiel et les diverses propositions prônant le TPI évoquent que la proximité ne sera nullement sacrifiée dans la mesure ou les actuels Tribunaux de Grande Instance demeureraient des « lieux de justice ».
Il s’agit là de laisser aux lieux et places des anciens sites judiciaires des coquilles vides, sans pleine compétence juridictionnelle.
L’application de cette réforme, sérieusement envisagée malgré les protestations de bonne foi de Madame le Garde des Sceaux, conduirait, après la disparition du Tribunal de Grande Instance d’Hazebrouck, à éloigner un peu plus le justiciable de son juge.
Après la triste réforme « DATI », les délais affaires civiles ont augmenté tant pour les justiciables d Hazebrouck que pour les justiciables de Dunkerque.
Les justiciables les plus éloignés du siège du Tribunal de Grande Instance ne comparaissent souvent pas s’agissant de populations précarisées.
Un rapport sénatorial déposé après cette réforme a démontré que partout où des sites ont été supprimés (au bénéfice de « lieux de justice »), les délais moyens de jugement ont systématiquement augmenté de 2 mois, de même que l’âge moyen du stock des affaires.
Les praticiens du droit que nous sommes constatent en tout état de cause que plus la taille de la juridiction est importante, plus les délais d’audiencement et de jugement sont longs.
A titre d’exemple, l’Etat vient d’être condamné par 25 décisions rendues le 9 octobre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de Paris en raison de délais anormalement longs devant le Tribunal de Grande Instance de Paris (12 à 13 mois entre la requête au Juge aux Affaires Familiales et la convocation en justice).
Le rapport parlementaire remis le 15 janvier à la Ministre évoque la création de tribunaux de proximité qui ne s’occuperaient que de « petites affaires » : cela ne permettrait pas une vraie justice de proximité.
Une enquête d’opinion réalisée à la demande de la Conférence des Bâtonniers et réalisée en mai 2017 par Opinion Way révéle que plus d’un français sur quatre (27 %) renoncerait à une procédure judiciaire en cas de suppression ou d’éloignement du Tribunal le plus proche de chez eux.
La part est d’un tiers (33 %) dans les catégories populaires.
Ce dans un contexte où 48 % des français ont une mauvaise image de la justice et où 77 % d’entre eux souhaiteraient en voir raccourcir les délais.
Les avocats, dans leur pleine vocation de représentants des justiciables savent que cette réforme privera une bonne part des français de leur accès à la justice et, au mieux, les jettera sur les routes pour des déplacements incessants.
Elle fera disparaître le maillage territorial nécessaire pour un juste accès au droit et la richesse économique qu’il induit puisque les avocats locaux disparaîtront par l’effet des difficultés économiques ou par l’attractivité de la commune siège du Tribunal de Première Instance.
Aussi, les avocats au barreau de Dunkerque exhortent Madame le Garde des Sceaux à renoncer à tout projet de réforme de la Carte Judiciaire et à réaffirmer la pertinence du maillage territorial établi, reflet des réalités économiques et sociales de nos bassins de population.
Ils vous adressent leurs meilleurs vœux pour une bonne justice en 2018.