LA REGLE D’ANTERIORITE DE L’ARTICLE L112-16 du Code de la Construction et de l’Habitation
De nombreux propriétaires ou locataires se plaignent d’un trouble du voisinage qu’ils subissent de la part de leurs voisins. Me SABOS, dans le cadre de son activité en droit immobilier, vous assistera dans cette tâche.
Lorsque l’on se situe en zone résidentielle et que l’on invoque un trouble du voisinage lié à un bruit excessif de son voisin, à des odeurs désagréables voir toxiques, ou encore à tout autre inconvénient qui excèdent ce qui est normal de supporter lorsque l’on vit à proximité d’un tiers, la loi a prévu un mécanisme particulièrement efficace et fondé sur la théorie des troubles anormaux du voisinage.
Pour le propriétaire ou locataire personne physique qui se plaint de son voisin, il suffit simplement de démontrer que le trouble qu’il subit excède ce qu’il est normal de tolérer dans une relation de voisinage classique.
La situation est beaucoup plus difficile lorsque le voisin n’est pas un particulier mais une entreprise agricole, industrielle, artisanale, ou commerciale qui par nature génère plus de nuisances qu’un simple particulier effectuant des travaux de tonte le dimanche matin à 7 h 30 ! Bien évidemment, le droit de jouir de son habitation de manière paisible entre alors en conflit avec la possibilité pour l’entreprise de mener à bien l’activité qui lui permet de générer son chiffre d’affaire.
Afin d’éviter les trop nombreuses actions en trouble anormal du voisinage dirigées contre les entreprises, le législateur a créé l’article L112-16 du Code de la Construction et de l’Habitation qui est reproduit ci-après :
Article L112-16, Modifié par Loi n°2003-590 du 2 juillet 2003 – art. 72 JORF 3 juillet 2003
Les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions.
Ce texte sert pour l’auteur de l’activité source de nuisance à démontrer que son activité était antérieure à l’arrivée du propriétaire ou du locataire sur le terrain voisin.
Les conditions pour invoquer ce texte sont au nombre de trois :
- Il faut que l’activité du fauteur de trouble soit antérieure à l’installation des voisins. C’est la date de dépôt du permis de construire de la maison, la date de l’acte d’achat de l’immeuble ou la date de signature du bail qui sera pris en compte pour déterminer cette antériorité.
- Il faut bien évidemment que le professionnel en question respecte scrupuleusement les dispositions législatives applicables à son activité. Il sera ainsi fait référence notamment au Code de la Santé Publique concernant les nuisances sonores.
- Pour finir et c’est là la condition la plus importante, il faut que l’activité n’ait pas connue d’évolution majeure. Les Juges doivent alors vérifier dans quelles conditions étaient exploitées l’activité au moment de l’achat de la maison voisine ou de l’arrivée des locataires voisins et comparer l’activité à celle qui est actuellement dénoncée. Si l’entreprise a connu une explosion de son activité ou si elle a investi copieusement dans des machines de plus en plus bruyantes, la condition de poursuite de l’activité dans des conditions similaires n’est pas remplie.
Le Conseil Constitutionnel a été saisi de la constitutionnalité de cet article et l’a validé en dépit de l’éventuelle atteinte au droit de l’environnement que cela peut permettre de créer.
Il faut donc garder à l’esprit qu’en matière de trouble anormal du voisinage, il est beaucoup plus difficile de se prévaloir d’un trouble anormal du voisinage lorsqu’au moment de l’emménagement, le trouble était déjà existant. Il incombe donc au locataire et au futur propriétaire d’être particulièrement vigilant sur les jours de visite du local qu’ils envisagent d’acheter afin d’être certain que l’entreprise voisine est bien en activité le jour de leur visite.
Il serait particulièrement regrettable qu’une entreprise particulièrement bruyante ou gênante soit justement en congés le jour où le propriétaire achète le fond voisin. Dans cette hypothèse, l’article L112-16 du Code de la Construction et de l’habitation trouverait toute sa force et permettrait à l’entreprise voisine de gagner tout procès en trouble anormal du voisinage.